• Castors


    Description 

    Le castor est particulièrement bien adapté à la vie amphibie. Il possède des narines obturables, une épaisse fourrure imperméable, de grandes pattes postérieures palmées et une queue large et aplatie en forme de truelle, couverte d'écailles qui lui sert de gouvernail lors de la nage. Il n'existe pas de différences externes notables entre mâle et femelle.

    Il est le plus grand rongeur d'Eurasie et d'Amérique du Nord; il peut atteindre un mètre de long pour un poids de 20 à 30 kg et vivre jusqu'à 26 ans. C'est le deuxième plus gros rongeur au monde après le capybara qui vit en Amérique du Sud et pèse 50 kg. Contrairement à une idée répandue, le castor européen est légèrement plus lourd que son cousin nord-américain.

    La mâchoire et la denture du castor sont parfaitement adaptées à la fois à l'écorçage et à la coupe du bois. C'est unique dans le monde des mammifères.

    Dans les milieux boisés alluviaux, le castor « ouvre » de petites clairières inondées, ce qui favorise une biodiversité plus importante.

     
    Le castor est maintenant présent en Amérique du Sud où il a été introduit. Les arbres sud-américains, à la différence des arbres de l'hémisphère nord ne repoussent pas (ou mal) quand ils sont coupés par le castor.

    Bûche et copeaux non consommés serviront d'aliment à de nombreux invertébrés et champignons et formeront un humus propice à la repousse des arbres.

    Les mœurs aquatiques du castor, sa queue écailleuse et ses pattes postérieures palmées ont longtemps fait penser que sa partie postérieure était apparentée aux poissons. En 1737, Georges Buffon disait alors que le castor est «le seul qui ressemble aux animaux terrestres par les parties antérieures de son corps, et paraisse en même temps aquatique par les parties postérieures. Il fait la nuance des quadrupèdes aux poissons».

    Principalement actif la nuit, le castor est réputé pour avoir une mauvaise vue, mais un bon odorat et l'ouïe fine.

    Alimentation 

    Le castor est exclusivement herbivore. Il est caecotrophe (comme la marmotte), c’est-à-dire qu'il digère deux fois ses aliments en ravalant ses crottes molles. Selon les saisons, il se nourrit d'écorces tendres, de pousses, de fruits, d'herbe, de feuilles... Il abat les arbres pour accéder aux feuilles en utilisant ses incisives très puissantes. Il peut abattre des arbres ayant jusqu'à un mètre de diamètre. Ses incisives poussent en permanence et il les aiguise en frottant celles du haut contre celles du bas, comme tous les rongeurs.

    En hiver, le castor se nourrit de branches qu'il a accumulées dans une réserve sous l'eau.

    Habitat 

    Le castor est une espèce qui aménage son habitat. Son milieu de vie est principalement aquatique. Bien qu'il puisse rester sous l'eau 15 minutes en apnée, un castor ne s'éloigne jamais de plus de 30 mètres du rivage.

    Afin de construire son habitat, le castor abat principalement les arbres à bois tendre tels le bouleau, le saule, le peuplier, et le tremble, mais apprécie également des bois plus durs comme le chêne ou le frêne. Il ne ronge que rarement les résineux, et quasiment jamais les aulnes.

    Le castor vit dans une hutte, qui est généralement appuyée à la berge. Elle est construite avec des branches de bois et de la terre. Cette hutte est en général composée d'une entrée et de deux chambres. L'accès s'y fait essentiellement sous l'eau, mais la chambre principale est sous terre. Afin de renouveler l'air et de sécher la litière qu'il y amène, le castor intègre à sa hutte des conduites d'aération.

    Sur un même site, on trouve plusieurs huttes de tailles différentes, et dont la fonction varie selon les périodes de l'année. En hiver, c'est la hutte la plus proche d'une zone d'abattage qui sera le plus souvent utilisée, tandis qu'au printemps, certaines huttes seront plus occupées lors de la reproduction. Les castors vivent en famille sur un territoire bien déterminé. Lorsqu'un territoire est épuisé, la famille se déplace pour chercher une nouvelle zone riche en nourriture. Les berges délaissées se reboiseront progressivement pour redonner après quelques années un nouveau territoire nourrissant. Lorsque les petits sont chassés de la cellule familiale, ils partent à la recherche de nouvelles zones à coloniser, et d'un(e) partenaire pour fonder une nouvelle famille.

    Le castor fabrique des barrages, qui peuvent atteindre plus de 75 mètres de long et plus de 1 mètre de haut. Il construit ces barrages afin de retenir l'eau, et créer ainsi des zones dans lesquelles il peut se déplacer en toute sécurité. Le castor n'apprécie pas de circuler sur terre mais il doit malgré tout s'y rendre afin d'y chercher sa nourriture. Ces retenues d'eau lui permettent donc de se rendre à la nage sur les divers sites de son territoire. Cela lui permet également de ramener vers sa hutte le bois qu'il mangera, ou qui lui servira dans différents travaux de réparation, ou de construction, d'une de ses huttes ou barrages. Le castor se crée des réserves de nourriture, sous l'eau, à l'entrée de sa hutte en prévision des grands froids (gel). Il a besoin d'un minimum de 30 cm d'eau pour se déplacer aisément. Les barrages et les huttes sont construits avec du bois de différents diamètres, et le tout est colmaté avec de la terre qu'il tasse avec ses mains (et non pas avec la queue comme on l'a longtemps cru).

    Reproduction 

    Le castor est monogame et reste fidèle à sa partenaire tout au long de sa vie. La maturité sexuelle arrive vers l'âge de trois ans, moment auquel les jeunes castors sont alors chassés de leur cellule familiale. L'accouplement a lieu dans l'eau entre janvier et février/mars chez les deux espèces, après quoi la gestation dure un peu plus de cent jours. Une portée comporte généralement entre deux et quatre petits qui naissent avec une fourrure complète et les yeux ouverts, à l'intérieur de la hutte. Anecdote amusante : le castor confond parfois la femelle castor avec la femelle marmotte.


    Rôle écologique particulier du castor 

    Le castor, à la fois « bûcheron », « hydraulicien » et « terrassier » est un animal qui présente des caractéristiques particulières et inhabituelles d'aménageur de son écosystème ;

    En "ouvrant" à la lumière les ripisylves, les forêts galeries, et les fonds de vallées, et en inondant certains terrains, les familles de castors recréent et entretiennent des chapelets de zones humides s'alimentant gravitairement de l'amont vers l'aval. Ces milieux sont propices à l'épuration de l'eau (dont grâce au pouvoir désinfectant des UV). Ils sont aussi facteurs d'hétérogénéisation et de complexification des cours d'eau et de leurs écotones, et au développement de la faune et de la flore (fleurs sauvages, insectes, batraciens, oiseaux, algues, poissons...). Ces barrages, s'ils sont assez nombreux et importants et si le fond est percolant (ceci ne vaut pas sur les rivières entamant un socle granitique) renforcent fortement l'alimentation des nappes phréatiques et favorisent une remontée du niveau de sources périphériques et une alimentation plus régulière des sources

    Si les ressources en écorce viennent à manquer localement, la famille de castors cherche un autre endroit où s'installer en aval ou en amont, laissant le temps aux arbres de repousser avant un nouveau retour. Si une famille disparait (déplacement, prédation, maladie..), le barrage se dégrade rapidement entrainant une baisse du plan d'eau qui laisse un nouvel espace ensoleillé ouvert à la colonisation des plantes pionnières. Ces cycles sont favorables à l'entretien d'une biodiversité plus élevée que s'il n'était pas présent et à un cycle biogéochimique plus complexe .
        
    En régulant le débit des cours de l'eau de l'amont des grands cours d'eau, et en conservant des quantités importantes d'eau près du haut des bassins versants, il diminue également, et très efficacement, les risques de sécheresse en amont de ses barrages, et d'inondations en aval de ceux-ci, lors des crues.

    Les barrages de castors semblent globalement très favorables à la biodiversité et à de nombreuses espèces menacées des zones humides, mais - localement - ils peuvent aussi défavoriser certaines espèces rares ou menacées. Ce pourrait être le cas, en amont de certains barrage, d'espèces inféodées à des zones de fort courant et/ou à des fonds de gravier propre comme le sont les mulettes (ou moules d'eau douce). Cependant le castor fait spontanément ses barrages sur des zones où de la terre est disponible (car il en a besoin pour colmater les nombreux trous de ses barrages), zones qui sont justement propices aux apports de limons sur le fond et réputées non propices à ces moules. Sur les cours d’eau où les castors font des barrages (ils n’en font pas au travers des grandes rivières ou des grands fleuves ni en zone très rocheuses), un barrage situé en aval d'une forêt galerie favorise des accumulations automnales de feuilles mortes en amont du barrage. Ces feuilles nourrissent de nombreux invertébrés (copépodes et crustacés telles que les daphnies notamment, qui sont une des bases de la pyramide alimentaire ) mais en couvrant le fond, elles défavorisent d'autre formes de vie inféodées aux zones de courant de fond et/ou de lumière.
    Il a été suggéré en Amérique du Nord que les grands barrages du castor canadien soient aussi des obstacles partiels à la migration d’espèces de poissons qui sont hôtes des moules d'eau douce. Sur la zone amont d'un barrage (et plusieurs barrages se succèdent parfois sur de courtes distances) certaines populations de moules peuvent donc régresser ou disparaître. Néanmoins divers indices fossiles montrent que durant trois interglaciaires, ces mulettes et les castors ont coexisté en Amérique du nord, comme en Europe, mais peut-être pas aux mêmes endroits.

    Pour toutes ces raisons, le castor est de plus en plus considéré comme un auxiliaire efficace de l'homme dans ses opérations de renaturation, de génie écologique et de gestion différenciée des berges, ou de manière générale pour une bonne gestion des cours d'eau et la restauration quantitative et qualitative de cette ressource, quand les questions de coexistence avec les agriculteurs ou sylviculteurs riverains ont été préparées et solutionnées. En terme de bilan global, la présence de castors semble avantageuse pour l'écosystème, et pour l'Homme. (La condition est de lui laisser un nombre suffisant d'arbres, tiges et branches à ronger). Les peupleraies ou les arbres qu'on souhaite conserver en lisière de cours d'eau peuvent être préservées par un simple grillage bas posé autour de l'arbre, ou quelques fils électrifiés.
    De plus, à la différence de la loutre, il est peu exigeant sur la qualité de l'eau et peut ainsi recoloniser certaines zones de qualité médiocre qu'il contribuera à écologiquement restaurer.


    Pollution 

    Le castor semble bien résister aux polluants organiques. La qualité de l'eau ne constituerait pas un facteur limitant. Il semble cependant plus exposé à la pollution aux métaux lourds, tel le cadmium accumulé par les saules qui constituent son alimentation de base.


    Chasse et piégeage 

    La chasse a été la première menace pour l'espèce. Ces animaux, faciles à piéger, ont été chassés depuis l'antiquité pour leur fourrure qui servait notamment à produire des chapeaux, leur chair et pour le castoréum, une substance huileuse sécrétée par des glandes sexuelles situées en-dessous de la queue (assimilées à tort aux testicules). Cette chasse les a conduit à l'extinction sur une grande partie de leur aire naturelle de répartition avant même le milieu du XXème siècle.

    Alors que le castor avait déjà presque disparu en Europe de l'Ouest, au 18ème et 19ème siècle, la demande de fourrure se reporte vers le castor canadien qui est aussi chassé pour son castoréum) par les trappeurs, au point qu'il a rapidement disparu d'une grande partie de l'Amérique du Nord. L'impact écologique de sa disparition a déclenché le lancement de programmes de réintroduction, qui lui ont permis de réintégrer certaines zones desquelles il avait disparu.

    Bien qu'il soit un des symboles nationaux du Canada, le castor y est considéré dans plusieurs régions comme un animal localement envahissant. Après son retour ou sa réintroduction, il peut à nouveau inonder des zones, ce qui diminue le risque d'incendies de forêts, mais peut causer l'inondation de zones où l'on a entre temps construit des routes ou planté des champs. On contrôle alors le niveau d'eau au moyen de siphons autoamorcés silencieux (car c'est le bruit de l'eau qui coule, qui est le stimulus déclenchant l'acte instinctif de construire ou colmater un barrage).